Slow Life – extrait d’une correspondance

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    par Christian Merhliot [2011]

    14 SEPTEMBRE

    Peu dormi ! J’ai passé la soirée devant les premiers portraits faits hier à Ohara. Demain je retourne au village avec Yusuke pour continuer cette série, je suis très excité. J’aime cette manière douce d’entrer dans le projet, c’est comme apprivoiser les lieux et les gens qui y vivent…

    16 SEPTEMBRE

    Quelques portraits hier, une lumière plus douce, de beaux moments à discuter ; un jeune agriculteur qui a quitté la ville, une vieille femme qui tient l’auberge, une drôle de maison que l’on visite aujourd’hui, grande émotion quand le soleil disparaît derrière la montagne… Je me demande comment relier tout ça, quels fils tirer et quels personnages embarquer dans cette aventure… Je vais essayer d’écrire un peu ce week-end, il me semble que le village nous aura livré ce soir tout ce qu’il peut offrir, reste à déchiffrer ce vaste cryptogramme qui contient le désir, des idées, des lumières, des présences, de la beauté…

    Voici quelques-uns des derniers portraits, je pars avec la caméra aujourd’hui, je vais filmer des paysages, quelques atmosphères, peut-être que cette piste va amorcer le film et me faire comprendre un peu mieux la direction intuitive que je prends…

    17 SEPTEMBRE

    Journée studieuse hier, j’essaie de mettre de l’ordre dans mes idées pour le film, je crayonne des impressions. Très intéressant ce que manifeste cette méthode de réflexion, un recouvrement permanent des idées par de nouvelles, plus simples, dont la durée de vie n’excède pas un jour ou deux.
    J’ai l’impression d’avancer par gommages, par effacements, par biffures, je dois réfléchir encore, mais je connais les limites de ce projet, son cadre. J’essaie plutôt de laisser s’imposer la trame la meilleure, la plus simple, la plus surprenante, j’ai commencé plusieurs fois à écrire des situations, à les articuler, j’ai fini par renoncer devant le spectre de faire une sorte de drame social et psychologique…
    Ce qui m’intéresse, c’est un état de fait, une situation, je crois que son évolution et sa résolution me laissent indifférent. Souvent les situations ne collent pas avec les espaces, les lieux semblent résister et absorber telle ou telle idée anecdotique.
    Il faut repartir en sens inverse, se remettre à l’écoute des images que j’ai faites et comprendre ce qui les habitent, quelles histoires elles peuvent accompagner. Je ne sais pas comment dire autrement, certaines fois mes histoires semblent rebondir dans ces lieux et en être expulsées comme un corps indésirable…

    22 SEPTEMBRE

    Je retourne à Ohara aujourd’hui. J’ai fait des tirages 30×40 pour offrir aux gens que j’ai photographiés. Il reste à trouver une vieille femme qui accepte de tourner dans le film. C’est un peu la grande inconnue du moment… Plus que 10 jours pour faire la bonne rencontre…

    18 SEPTEMBRE

    Retourné à Ohara aujourd’hui avec José, arpenté les jardins, les ruelles, les champs ; déjeuné à la coopérative et entendu une nouvelle fois l’histoire de l’indigo… Tant de précision, de simplicité… je ne sais plus quoi penser…

    30 SEPTEMBRE

    Vendredi, il pleut. Nous sommes rentrés d’Ohara juste à temps ! Ce matin debout 5 heures et hop ! dans les champs pour le lever du jour.
    Je suis en train de numériser les images, c’est beau, les nuages accrochés à flancs de montagnes comme des langues de brume, j’ai aussi filmé hier soir, la tombée de la nuit, me voilà pourvu en plans « au cas où… ».
    Demain je dois y retourner pour discuter avec un enseignant de l’Université, responsable de la très belle maison que possède son établissement dans le village, une ferme au toit de chaume…

    1ER OCTOBRE

    Je reviens d’Ohara, dernière visite avant le tournage, la maison de l’université est très belle, j’ai rencontré Imasato, un professeur de Doshisha University qui développe un programme de recherche en agriculture biologique, ses étudiants habitent le village… Tout est en place, maintenant …

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