Christian MerlhiotLa Fabrique des films

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Projet

Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011

Slow Life

Christian Merlhiot
||| Depuis quelque temps je m’interroge souvent sur l’origine du travail : Comment un film prend naissance et avec qui ? Comment il se fabrique ? À partir de quel moment il y a du cinéma ? L’idée que je m’en fais c’est que le cinéma est lié à l’émergence d’une communauté. Je fais des films pour le plaisir de créer, même si elles sont éphémères, de petites communautés. Le moment de préparation et le tournage représentent à cet égard une expérience essentielle. J’ai l’impression que ce qui vient après, c’est-à-dire le film, je pourrai un jour en faire l’économie. Sa mise en œuvre aura existé comme un moment de cinéma où se développent essentiellement des rencontres. Mais si on ne dit pas « on va faire un film », rien n’invite à créer ces relations. Il existe d’autres façons de relier des individus, mais pour moi, le cinéma donne ce point de départ : « Moteur, ça tourne… »

Fabien Danesi
||| Cette petite communauté dont tu parles, est-ce qu’elle se constitue sur un mode qui recoupe les catégories professionnelles ? Est-ce qu’elle regroupe un réalisateur, des acteurs, un assistant ? Est-ce encore pensé sur ce mode ou est-ce que cette communauté s’affranchit de ces attributions ?

Christian Merlhiot
||| Si on veut se représenter le noyau de cette communauté, il faut penser avant tout à un lieu. Souvent de manière très concrète, ce lieu c’est une maison. Il faut un repère dans l’espace, un point de départ. C’est l’endroit d’où l’on part à la rencontre du monde. La communauté, ça peut être juste deux ou trois personnes avec une répartition des rôles.

Fabien Danesi
||| C’est vrai, je repense aux Semeurs de peste, à Bérénice, même à Des Indes à la planète Mars pour n’en citer que trois. Ce sont des films dispositifs. Ils ont lieu dans un espace précis, une seule salle. La question du lieu, maintenant que tu l’énonces de manière aussi claire, était déjà présente.

Christian Merlhiot
||| L’identité de l’auteur et ma place de réalisateur ne sont plus nécessaires à affirmer aujourd’hui. L’idée d’un partage des idées et du film me convient. Pour autant, il y a une répartition des rôles. Je ne suis pas souvent à l’image, j’ai une réserve à m’y exposer. Je choisis des gens pour le plaisir que j’ai à révéler un aspect que je connais d’eux, que j’ai observé et que je veux rendre visible à l’image.

Fabien Danesi
||| Le projet cinématographique s’appuie comme tu dis sur cette rencontre et on pourrait presque dire que, dans ta pratique actuelle, cette rencontre se substitue au scénario. En même temps, je voudrais te faire valoir ce point que tu es un cinéaste qui a travaillé sur la question de l’écrit, sur la transposition de l’écrit à l’image. Et tout à coup, le dernier film que tu fais est un film qui ne s’est pas écrit. En tout cas, pas sur le mode traditionnel du scénario. La rencontre, encore une fois, s’est substituée au scénario.

Christian Merlhiot
||| Je n’ai jamais écrit de « scénario » parce que je crois que je n’ai pas d’idées pour raconter des histoires. La question est donc : « Qu’est-ce que j’emprunte et à qui ? » Autrement dit, comment le cinéma peut-il devenir le lieu pour actualiser un texte et une histoire ? Quelle est leur trajectoire à travers le film ? Si on revient au projet que je viens de tourner, j’ai exploré d’autres modalités que l’écriture pour faire en sorte que quelque chose ait lieu sans que j’aie besoin de l’inventer. J’ai demandé à un acteur d’être le médiateur de situations que je voulais observer : aborder une personne, travailler pour elle, donner un coup de main à une autre. J’ai besoin de la présence de cet acteur. J’aime l’idée d’observer comment il explore selon sa propre curiosité, une direction que l’on détermine ensemble. Cette méthode d’improvisation, c’est un système de dédoublement de l’écriture si tu veux. Il y a des gens qui aiment écrire leur projet mais le cinéma permet beaucoup d’autres approches pour aller vers le récit. Parce que je reste très attaché à l’idée du récit. Même dans ses formes peu narratives, c’est toujours lui qui me fascine au cinéma. La Région centrale de Michael Snow, c’est une épopée abstraite à mes yeux ; et c’est pour ça que c’est un film magnifique !

Extrait d’un entretien réalisé à Kyoto au Japon en novembre 2011.

Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011Slow Life, portraits d’habitants du village d’Ohara, Japon, septembre 2011

Vues de l’exposition

Christian Merlhiot: Slow Life, film réalisé, 2012Christian Merlhiot: Slow Life, film réalisé, 2012Christian Merlhiot: Slow Life, film réalisé, 2012Christian Merlhiot: Slow Life, film réalisé, 2012

Séminaire

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