par Stéphanie Moisdon Trembley
Robert Bresson vient de mourir et avec lui une certaine idée de la modernité. Il faut pourtant continuer d’être moderne, vivre, voyager et penser avec la modernité. Entre Bresson et Antonioni, voir dans leur sillage quelque chose persister, une attitude commune, une filiation manifeste. D’autres films d’itinéraires et d’errances, des œuvres ouvertes dans lesquelles le temps a laissé sa trace, son arête, où le paysage devient le lieu concentrique d’un théâtre, une région du monde à inventorier autant de fois qu’elle peut être traversée en réalité et en esprit, aussi longtemps que le point de rencontre entre l’horizontalité et la verticalité ne se sera manifesté. Ipanema Théories est de ces films-passagers qui pensent avec la conception moderne de l’image, du paysage, du cinéma, de la projection, de la ville, de la durée, de l’écriture, un film qui travaille avec Antonioni et Sarraute. Ipanema est une longue plage de Rio, une zone étendue qui ne marque pas de frontières entre la ville (verticale) et la mer (horizontale). Dans ces lieux, le temps se libère, il n’y a plus d’heure, juste à côté d’une zone de productivité, de grouillement et de vitesse. L’écriture du temps dans ce film renvoie à cette sensation tropicale, à ses clichés (The Girl From Ipanema, chanson traduite et chantée dans toutes les langues), ses effets de torpeur et d’écrasement des corps, des couleurs et des lumières. L’image de cette plage, absente du film, construit alors un axe, un paradigme, un versant théorique.
Dans I.T., il y a d’abord un acte de tracement et de reconnaissance (j’ai été là, j’ai vu cette silhouette, cette architecture, je l’ai filmée), une tentative d’explorer un espace étranger (Hong Kong, Kyoto, Londres, Bangkok…), espace où notre langue et nos gestes ne sont pas compréhensibles et où nous ne pouvons demeurer. L’acte de filmer et de regarder le paysage ne revient pas à le coloniser, le ramener à soi, le réduire à quelque chose de connu ou le définir avec des mots et des formes à nous, mais permet de le laisser hors de soi, devant.
Pour cela, il faut du temps, assez pour que le sujet et l’objet se dérobent. Dominique Gonzalez-Foerster ne fait pas un travail de reporter, ne produit pas des images, mais cherche à voir comment elles naissent à la limite du visible, dans le trouble, la confusion et le trafic des signes, là où l’information se perd et se dissout. Comme dans tous les films d’errance et d’exploration, on ne sait pas ce qu’elle cherche ni ce qui arrive. Le film est un jeu de construction qui creuse l’attente du spectateur, son désir d’un dénouement, d’un but, une attente sans cesse freinée où les choses se détachent de lui sans qu’elles disparaissent tout à fait.
La question du personnage est au centre de ce récit. Les images correspondent toujours au point de vue d’un personnage, point de vue basculé si l’on accepte qu’il puisse être à la fois devant et dehors, dans le champ et le contrechamp (juste à la limite). Ce personnage intériorise le paysage (1) et nous conduit dans un espace troué avec des brèches sonores, visuelles, référentielles. La bande-son (2) saisit l’image par fréquence et renvoie à une vision commune, technologique et contemporaine. Quand le son arrive dans l’image, le présent monte à chaque fois. Ces trous sont des points d’entrées in et out. Entrées par la musique mais aussi par le cinéma en tant que zone d’influence, citation lointaine, horizon. D.G.F. n’emprunte pas au cinéma, elle se souvient de ce qu’il a déjà projeté, superposé : des visions nettes ou tremblées du monde, de ses utopies et formes d’architectures, des microfictions, des microdéserts, des rêves d’adolescents, des cauchemars derrière un rideau pourpre, des effets d’oscillations, d’abstraction, des fins de plans. Ces entrées de cinéma (qui ne sont ni nommées ni même visibles) déterminent la structure du film, son montage, pour ne plus laisser que des traces, des « sensations de cinéma » (comme elle aime aussi parler de « sensations d’art »). La sensation de cinéma provient d’un monde après la télévision et renforce la conscience que l’on a d’un environnement, habité lui-même par des entrées, d’autres références, des éléments de réel, d’étrangeté, d’actualité. Par effet de contamination, se relier au cinéma c’est se relier à des parties étrangères du monde. La voie indirecte de ce lien amplifie juste encore un peu la dimension perceptive, provoque un branchement qui garantit un plus de réel, d’émotion et d’expérience.
Dans l’ensemble de ses recherches, D.G.F. recentre ses dispositifs à l’endroit de la perception, celle du spectateur-personnage qui habite le lieu et le moment avec ses accessoires, prothèses, avec sa mémoire aussi, ses souvenirs imparfaits. Cette manière d’habiter un moment urbain était déjà le centre théorique et sensible de « Moment Ginza », exposition conçue comme une succession de situations d’exploration, de rencontres, comme une architecture relationnelle (3). Les passagers aujourd’hui voyagent avec des walkmans, des caméras digitales, des téléphones mobiles qui cherchent leur réseau, des horloges technologiques et biologiques déréglées à chaque transition. Le film prend en compte cet état, ce mode de déambulation, de perturbation des systèmes de communication et de création permanente. Les images et les sons percent à travers ces filtres, ces écrans, ces extensions du corps et de la pensée. Ils deviennent des éléments d’une réalité à la fois actuelle et virtuelle, en réglage permanent sur le présent. Le personnage ici est un usager de ces véhicules et de ces appareillages, le film intègre sa personnalité, ses modes d’interaction, ses intuitions, ses mouvements et ses émotions, il intègre aussi son rapport au cadre, c’est-à-dire au plan. Ce plan n’est pas celui d’un seul homme mais d’une communauté, d’une peuplade, celle des utilisateurs de machines, de sons et d’images. D.G.F. conçoit que dans chaque objet, chaque production matérielle, il y a une potentialité narrative insoupçonnée, la possibilité de générer d’autres expériences sociales, relationnelles, esthétiques et morales.
Antonioni, dans un texte sur Il Deserto rosso (1964), raconte qu’il s’arrête pour boire un verre au café du village : « Chose étrange, dit-il, j’ai beau me déplacer à travers la salle en quête de l’angle le plus approprié, je ne le trouve pas. Je serais bien embarrassé s’il me fallait « cadrer » ce que je vois. Peut-être la difficulté vient-elle de ce que je n’ai pas d’histoire à raconter, et qu’ainsi mon imagination visuelle tourne à vide. » Une jeune fille arrive, il l’observe. Alors, « doucement, je me déplace jusqu’à atteindre l’extrémité du bar, derrière la fille qui, de la sorte, se trouve au premier plan. Au fond de la salle, la vitre oblique, la poussière qui s’arrête contre le verre et coule comme si elle était liquide. D’ici, avec la fille dos tourné, le rapport entre l’extérieur et l’intérieur est juste ; l’image, pleine. Le blanc, dehors – une réalité comme inexistante – et dedans, les taches sombres – fille incluse – ont un sens. » Pas d’image sans personnage, même quand il s’est absenté. Dans Ipanema Théories comme dans ses autres films (Riyo (1999), et Île de Beauté (1996) avec Ange Leccia) et dispositifs (toutes les chambres), l’image devient sujet d’une activité, forme subjective, récit d’expérience et biographie. Ce récit biographique nécessite que le personnage soit préalablement absent et que l’on puisse se poser la question des conditions d’émergence d’une histoire, avec ou sans lui. Ce qui se joue ensuite dans ce travail, c’est le rapport de ce personnage absent avec le monde qui l’entoure. Il devient alors lecteur-spectateur-médiateur, assume différents rôles, des positions (dedans et dehors) et conduit la fiction du côté d’une enquête, d’une exploration des signes, des intimités, des formes de vie. Dans ce monde, il y a excès de formes, trop de sens ou pas du tout, des blancs, des vides, des reflets qui brouillent ou diffractent la vision, des mélanges entre les lignes et les fluides, l’eau et la terre, le ciel et l’architecture, le trouble intensifié d’un film de science-fiction qui va vers l’infini.
Au centre du film se trouve l’idée de l’expérience et du cinéma permanent, qu’il ne faut pas confondre avec le retour du même ou la circulation du continu et qui n’exclut pas la figure insistante du présent. Présent redoublé : présence du cinéma et réalisation du présent. Le réel ne s’oppose plus à l’imaginaire, ils construisent ensemble un mouvement dynamique. Le présent monte avec tous ses bouleversements ; les paysages, les horloges l’indexent sans cesse et montrent combien l’artiste est partie d’une génération qui n’est pas native d’un pays ou même d’un continent mais d’une époque hantée par le présent. La technologie, les objets sont l’une des conditions manifestes de la montée du présent. Avec la technologie, la perception toute entière est rivée à l’actualité, bousculée par des durées démontées, fragmentaires, mises en pièce. D.G.F. prend en compte cet état de la perception, elle déchiffre la modernité, un monde où les catégories de temps recouvrent celles des lieux.
Ici, il ne s’agit plus d’opposer la fiction à l’expérimentation ou au documentaire. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de fiction, c’est que la fiction s’est déplacée du côté du montage (celui qui est déjà fait et celui à refaire), du côté du spectateur, du côté du travail. Ce travail n’est pas très éloigné par ailleurs de la sensation de recherche liée au voyage, à ce qu’il contient déjà de linéaire, de projectif. On fait des plans, on construit une trajectoire, on trace des lignes, on se dessine pour soi-même une autre cartographie. La matière d’Ipanema Théories est faite de plans, c’est à dire de points, comme on parle de points de vue (celui en rappel de Zabriskie Point), de lignes de fuite dans un paysage donné. Le point de vue organise le regard porté sur le réel, son immensité, ordonne un sens commun. Si ce projet ne peut se ranger dans les cases du cinéma expérimental ou narratif, entre les deux, il se construit comme une expérience de la fiction, du transport, le filmage et le montage comprenant autant de plans que de récits (l’intervalle entre l’idée que j’ai du paysage avant de le filmer et ce qui me reste d’hypothèses), de points de fuite. C’est un film théorie sur le récit vécu d’un dispositif filmique qui nous désengage de la narration traditionnelle pour en proposer une autre, celle qui suppose que les films ne soient pas lus exclusivement à partir de l’effet d’identification et de la fiction mimétique, qui implique d’étendre les limites de la fiction jusqu’à celles de la technique et du dispositif.
L’autre question qui ne cesse de s’étaler tout au long du film concerne celle de l’usage et des usagers. Quelles peuvent être en effet les types d’utilisations du film ? Qui sont les joueurs, sont-ils interchangeables ? La question de l’usage privé ou collectif que l’on fait d’une œuvre, d’une image, d’un film ou d’une autre création ne se pose presque jamais dans la lecture critique habituelle. Pourtant, il y a dans cette perspective de l’usage une autre dimension cachée de l’œuvre, extensive, ludique et jubilatoire. Partant du principe que la structure globale du film est constituée de parties ou théories, de grands ensembles-plans (horloge, personnage, façade, site, eau, néon, lampadaire, etc.) qui deviennent autant de villes, de géographies, de climats différenciés, on peut considérer ces parties comme des blocs-images, des pâtés de monde dans lesquels chacun peut puiser pour reconstituer sa ville ou sa zone d’habitation. Le film apparaît alors comme une banque, non pas seulement d’images mais de moments, de paysages, de lieux, de perceptions, une banque dans laquelle on peut s’approprier un bloc entier ou quelques détails, prendre une forme ou voler juste un souvenir.
D.G.F. a conçu en effet ce travail comme un répertoire, pour qu’il puisse être réinterprété, recomposé, qu’il puisse, comme elle le dit elle-même, « servir par exemple d’arrière-plan à une fête, un concert, une exposition, qu’il invite au déplacement, au jeu et à la transformation ». Le son existant, qui est présent à titre indicatif, peut et doit être remplacé par de nouveaux accompagnements, comme c’était le cas pour le cinéma muet et ses orchestrations ou accompagnements au piano. Le projet prend ainsi toute sa dimension spatiale et temporelle. On imagine, dans cette ouverture des modes de projection et d’utilisation, des collisions insolites, de nouvelles situations, des glissements de sens. Le film devient alors une interface, un plateau où chacun peut produire son montage et son récit. C’est là que se situe certainement l’enjeu de la modernité et la réalité du personnage-usager d’Ipanema, circulant librement dans un paysage qu’il a lui-même produit, avec ses besoins, ses accessoires et ses entrées de cinéma, flottant dans l’horizon fictif qui se situe entre les plans, devant la plage.
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1. « Interiorisme » est le titre d’une exposition de Dominique Gonzalez-Foerster à la galerie Jennifer Flay à Paris en mars 1999.
2. Empruntée par fragments à DJ Gilbert lors d’une partie du tournage/mixage du film, dans le cadre d’une fête à la Salle Wagram à Paris. Les images de l’écran comme certains détails de cet espace spécifique rappellent de façon cyclique ce moment structurel de la présentation du projet.
3. Exposition qui s’est déroulée au Magasin, Centre national d’art contemporain de Grenoble en 1997 où Dominique Gonzalez-Foerster proposait, sur la base d’une impression d’une avenue de Tokyo, des formes de rapports, câblages, montages entre différents sites, différentes interventions d’artistes parmi lesquels Angela Bulloch, Maurizio Cattelan, Anne Frémy, Felix Gonzalez Torres, Liam Gillick, Vidya & Jean-Michel…
m.m.m. (moments.microcosms.modernities)
by Stéphanie Moisdon Trembley
Robert Bresson has just expired and so has a certain idea of modernity. Yet one must keep on being modern, living, traveling and thinking with modernity. Between Bresson and Antonioni, seeing something lingering in their trail, a common attitude, an obvious kinship. Other films dealing with itineraries and wanderings, open works on which time has engraved its mark, in which landscape has become a concentric theatre, an area of the world to inventory again and again as many times as it can be walked through, in reality and in mind, as long as the meeting point between horizontality and verticality has not made an appearance. Ipanema Theories is one of those passenger-movies pervaded with the modern conception of the image, of the landscape, of cinema, of projection, of the city, of duration, of writing; a movie working with Antonioni and Sarraute. Ipanema is a long beach in Rio, a widespread zone that does not point out a border between the city (vertical) and the sea (horizontal). In those places, times breaks free, hours and minutes fall into oblivion although they are close to a fast and swarming production zone. The way time is handled in this film echoes a tropical sensation, its clichés (The Girl from Ipanema, a song sung in and translated into many languages), the languidness and sultriness of the bodies, the colors and lights. The image of this beach, absent from the film, gives birth to an axis, a paradigm, a theoretic side.
First, I.T. is spurred by a desire to map out and be acknowledged (been there, seen this figure, filmed this architectural piece), an attempt to explore a foreign space (Hong Kong, Kyoto, London, Bangkok…) where our language and gestures are not understandable and where we cannot settle down. Filming and watching the landscape does not come down to colonizing it, designating it, reducing it to something known or defining it with our own words and shapes, on the contrary it allows one to let it outside, in front of oneself.
To do so, one needs time, enough time for the subject and the object to slip away. Dominique Gonzalez-Foerster does not fulfill a reporter’s duties, he does not produce images but endeavors to see how they come to life at the border of the visible, in the trouble, confusion and free flow of signs, where information gets lost and fades away. As in every movie dealing with roaming and exploration, one never knows what the filmmaker is looking for nor what is really happening. The film is a construction game tantalizing the viewer’s expectations, his/her longing for a denouement, a purpose; an eternally hindered longing during which things grow fainter without completely disappearing.
The character issue is central to this narrative. The images are always related to a character’s point of view, a point of view tipped over if one agrees that it can stand both in front of oneself and outside, inside the frame and outside the frame (right at the border). This character internalizes the landscape (1) and takes us into a space riddled with sound, visual, referential breaches. The soundtrack (2) follows the image according to the frequency and refers to a common, technological and contemporary vision. Each time the sound enters the image, the present rises even more. Those holes are like inputs and outputs through which the filmmaker enters using music and cinema as an influence, a faraway reference, a skyline. D.G.F. does not borrow anything from cinema, she just remembers what has already been projected, superimposed: neat or flickering visions of the world, of its utopias and its architectural forms, its micro-fictions, its micro-deserts, adolescent dreams, nightmares behind a purple curtain, oscillation and abstraction effects, end of shots. Those cinematic entries (never named nor even visible) shape the structure of the film, that is, its editing, thus leaving only traces, “cinema sensations” in the end (or “art sensations” as she also likes to call them). The cinema sensation comes from a post-television world and intensifies our awareness of an environment populated by entries, other references, elements of reality, strangeness or topicality. Through a contamination effect, getting connected to cinema means getting in touch with foreign parts of the world. The indirect path of this link allows the perceptive dimension to expand even further thus creating a connection guaranteeing more reality, more emotion and more experience.
D.G.F.’s research focuses for the most part on re-centering devices on the place where lies perception, that of the viewer-character who inhabits the place and the moment with his/her accessories, prostheses, with his/her memory too, with his/her imperfect memories. This way to inhabit an urban moment already constituted the theoretic and sensitive center around which revolved “Moment Ginza”, an exhibition designed as a series of exploratory situations, encounters, as a relational architecture (3). Today, passengers travel with walkmans, digital cameras, mobile phones looking for their network, technological and biological clocks in out-of-order mode at each transition. The movie takes this state of things – the traveling and disturbance of communication and permanent creation – into account. Images and sounds pierce through those filters, screens, those extensions of the body and mind. They become elements of a reality both current and virtual, constantly in tune with the present. Here the character is made into a user of those vehicles and those apparatuses. The movie fathoms his/her personality, his/her ways of interacting, his/her intuitions, his/her moves and emotions; it also fathoms his/her relationship with the frame; that is to say, with the shot. This shot is not that of a single man but of a community, a people, of machines, sounds and image users. D.G.F. is well aware that in each object, each material production matérielle there is an unsuspected narrative possibility, the possibility to generate other social, relationship-oriented, aesthetic and ethical experiments.
In a text about Il Deserto rosso (1964), Antonioni relates his halt) at the local bar: “Surprisingly, he relates, no matter how hard I move about the room to try and find the most appropriate angle, I cannot find it. I would be really embarrassed if I had to “frame” what I see. Maybe the difficulty lies in my not having any story to tell and my visual imagination lacking food for thought.” A young girl enters the bar, he watches her. Then, smoothly, “I move until reaching the edge of the bar, behind the girl thus appearing in the foreground. At the back of the room, the leaning window, the dust layered against the glass and running down as if it were liquid. From where I am standing with the girl with her back turned), the relationship between the outside and the inside is just right; the image, full. The white, outside – a seemingly non-existent reality – and inside, the dark stains – including the girl – make sense.” No image without a character even when the latter is away. In Ipanema Theories as in her other movies (Riyo (1999) and Île de Beauté / Beauty Island (1996) with Ange Leccia) and installations (all the rooms), the image is made into the topic of an activity, into a subjective shape, into the narrative of an experiment and into a biography. To create a biographical narrative the protagonist must first be absent so that one can discuss the emergence of a story with or without him/her. In this preparatory work, the relationship of this absent character within the world surrounding him/her is then at stake. He/she then becomes a reader-viewer-mediator, taking on several parts, several positions (inside and outside) and leads fiction towards an investigation-like work, an exploration of the signs, intimacies and forms of life. This world is cankered by an overflow of forms, too much meaning or no meaning at all, blanks, voids, reflections blurring or diffracting our sight, blends between lines and fluids, water and earth, heaven and architecture, the aggravated confusion of a science-fiction film aiming at infinity.
The film revolves around the idea of experience and permanent cinema, not to be confused with the come-back of the same or the circulation of the continuous and which does not exclude the insistent figure of the present. A double present: presence of the cinema and realization of the present. Reality is no longer in opposition to imagination, together they give birth to a dynamic motion. The present rises up, bringing about quite a number of upheavals; landscapes and clocks perpetually keep track of it, showing how much the artist is part of a generation that was not born in such or such country or continent but in a time haunted by the present. Technology, objects are blatant symptoms of the rise of the present. Since the advent of technology, the entire perception is riveted to current affairs, pushed around by disassembled, fragmented, torn to pieces timeframes?. D.G.F. takes this state of perception into account and deciphers modernity, a microcosm within which temporal categories overlap spatial ones.
The point here is not to oppose fiction to experimentation or documentary. Not that there is no fiction: there is, but it is has moved closer to editing (that which is already done and that which needs to be redone, closer to the viewer, closer to working. This work is quite reminiscent of the research linked with traveling, with its linearity and projective aspect. One works out plans, builds a trajectory, draws lines and maps out the world to one’s liking. The matter Ipanema Theories is made of features plans, which means points, as in points of view those reminding us of Zabriskie Point, vanishing lines in a given landscape. The point of view sets up the gaze cast on reality, on its hugeness and lays out a common sense. Though this project cannot be ranked either in the experimental cinema category nor in the narrative one – it lies in-between –, it is constructed like an experience of fiction, of transport, the filming and the editing comprising as many shots as narrative passages (the interval between how I perceive the landscape before filming it and the hypotheses I am left with) and vanishing points. This a theoretical film about the true story of a filming device setting us free from traditional narration and proposing a new kind of narration which requires the viewer not to read films through the only lens of mimetic fiction and which implies spreading the limits of fiction as far as those of technique and of the device itself.
The other issue pervading the whole movie deals with use and users. What kind of uses can be made of this film, indeed? Who are the players? Are they interchangeable? The issue of private or collective use of a work, an image, a movie or another creation is never raised as regards usual critical reading. However, behind this issue of use lies a whole hidden dimension of the work, extensive, likely to amuse and jubilatory. Based on the assumption that the film’s overall structure consists in parts or theories, in big block shots (clock, characters, façade, site, water, neon, streetlamp etc.) then becoming cities, geographies, diverse climates, one can consider those parts as image blocks, chunks of the world from which each one can draw in order to reconstitute his/her city or living area. The film then appears as a bank, not only harboring images but also moments, landscapes, places, perceptions, a bank in which one can appropriate a whole block or just a few details, taking a shape or simply stealing a memory.
Indeed, D.G.F. designed this work as a directory to ensure it would be easily re-interpreted, recomposed, so that it could, as she says herself “be used, for instance, as a background attraction at a party, a concert, an exhibition, it would make one feel like moving, playing and transforming oneself”. The existing sounds that are used for reference only can and must be replaced by new tunes as people used to do with the silent movies and their orchestrations or piano accompaniment. This way the project takes on its whole spatial and temporal dimension. Such an openness of the projection modes, of the uses, unusual collisions, new situations, linguistic shifts. The film is made into an interface, a platform where each can give oneself to his/her editing and his/her narrative. This is precisely wherein lies the stake of the Ipanema user-character’s modernity and reality, freely walking up and down a landscape he/she produced himself, with his/her needs, his/her accessories and his/her cinema entries, floating in the fictitious horizon located between the shots, in front of the beach.
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1. “Interiorisme” is the title of an exhibition by Dominique Gonzalez-Foerster held at the Jennifer Flay Gallery in Paris in March 1999.
2. Empruntée par fragments à DJ Gilbert lors d’une partie du tournage/mixage du film, dans le cadre d’une fête à la Salle Wagram à Paris. Les images de l’écran comme certains détails de cet espace spécifique rappellent de façon cyclique ce moment structurel de la présentation du projet.
3. Exhibition held at the Magasin, National Center for Contemporary Arts in Grenoble (France) in 1997. With as a basis a printed picture of an avenue in Tokyo, Dominique Gonzalez-Foerster proposed some kinds of interaction, cabling and assembling between different sites, involvement of several artists among whom were Angela Bulloch, Maurizio Cattelan, Anne Frémy, Felix Gonzalez Torres, Liam Gillick, Vidya & Jean-Michel…