Portée d’un souffle

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    par Stéfani de Loppinot

    Qu’y a-t-il de commun entre les méandres du métro parisien (Métropolitaines, 1995), le journal intime d’A. O. Barnabooth à Florence (Une figure florentine – sur la trace de Valéry Larbaud, 1996), le voyage d’une femme jusqu’à la pointe orientale de l’Europe (D’autre part, 1997), des graffitis d’animaux sur les roches d’un site paléolithique en amont du Douro (Je vous suis par la présente, 2001), le tournage du dernier film d’Angelopoulos, ouvrant sur une histoire de la Grèce au xxe siècle (le Retour du monde, 2003) ? La ligne, la trajectoire, les chemins que ces cinq films empruntent : parcours fictifs, abstraits, éphémères ou gravés dans la pierre depuis vingt-cinq mille ans, inscription dans l’espace ou le temps d’un corps, d’un désir, d’une plume.

    Arpenter le monde

    Dans Métropolitaines, quatre fils d’histoires s’enchaînent ainsi pour former un récit qui parcourra toute la bande son : le De rerum natura de Lucrèce ouvre ce premier long métrage, lu avec passion, il rejoue la création du monde sur le circuit d’un périphérique, où des particules de matière se retrouvent à s’agiter en tous sens, des poussières à former un agrégat, un état gazeux à devenir solide. Si le monde peut ainsi se réinventer à chaque instant, c’est grâce à son système de correspondances, la nature même des choses. Plus tard dans le film, se remémorant le « Manuscrit trouvé dans une poche » de Julio Cortázar, où un plan de métro était décrit enserrant « dans son squelette mondrianesque, dans ses branches rouges, jaunes, bleues et noires, une surface vaste mais limitée de tentacules étendus… » un homme recompose la structure du métro parisien : il dessine la ville sur une feuille de papier, avec ses deux grands axes, l’un nord/sud, de Clignancourt à Orléans, l’autre suivant l’arrondi de la Seine, et recouvre ces trajectoires de petits tracés multiples qui se croisent, s’éloignent, se perdent, se mordent, construisent des fils de connivence, et soudain miracle, révèlent un arbre, précisément une étude d’arbre de Mondrian, avec son tronc, la forme ouverte de son branchage, et son enchevêtrement de feuilles. En l’écoutant parler, et dessiner, on se dit que cet homme pourrait aussi bien être écrivain, traçant de sa plume des lettres aux contours anguleux ou souples, déliés ou non, qui deviendraient des phrases, vaste paysage creusé de rues sur une feuille de papier ; ou musicien, laissant vibrer chaque corde de son instrument pour épouser les chants du monde. Que les correspondances sont en effet multiples d’une ligne à l’autre, d’un espace à l’autre, d’une espèce à l’autre, des mots aux figures, et des images aux sons. Et que comme lui Jean Breschand écrit, et dessine, non pas pour préparer ses films mais pour les accompagner, en un contrepoint musical. Au moment du tournage de D’autre part, il note dans son journal les petits riens du quotidien, le fait d’acheter des olives, ou dessine quelque chose qui lui a plu et qu’il n’a pas filmé. Au final c’est toute cette expérience qui constitue le film, qui participe de la bande son, texte écrit alors que les plans ont déjà été montés en muet. Métropolitaines s’achève sur un extrait du Chant des pistes de Bruce Chatwin, où est décrite la nécessité chez les aborigènes d’inventer un territoire en le parcourant et en le chantant pour le faire exister, étape d’avant sa reconnaissance, celle de la perception du chant : « la terre doit d’abord exister sous forme d’un concept, puis elle doit être chantée. Ce n’est qu’après cela que l’on peut dire qu’elle existe […] Ainsi les phrases musicales équivalent à des coordonnées cartographiques. La musique est une banque de données servant à trouver son chemin dans le monde. » Filmer est parcourir un territoire : en ce sens, filmer est un chant, le moment d’une expérience, un élan du voyage.

    Et pourtant ce désir de toucher

    La zone de contact entre soi et le monde est immense et infime à la fois. Qu’est-ce qui nous sépare du monde ? Une mince pellicule de peau, semblable à celle qui fait glisser l’insecte sur l’eau ? Quel geste ouvre les corps ? Est-ce la caresse amoureuse, « tout ce qui fait que nous sommes terriens, la sensation de ta peau » (Une figure florentine), ou l’image gravée à la surface d’une pierre, « muette comme au premier jour », des aurochs, chevaux, bouquetins et poissons de Foz Côa, « entre toi et moi, la trace d’un passage, l’énigme d’un geste en sa naissance » (Je vous suis par la présente) ?

    Ce que l’image entretient, entre toi et moi : renouer avec le monde, dans la nouvelle de Cortázar, nécessite de passer par une image, le double d’un reflet, afin de repérer les fils invisibles qui lient les êtres entre eux, qui circulent entre les individus, comme ils circulent entre les plans. Théo Angelopoulos raconte que c’est seulement au moment du tournage, c’est-à-dire à la naissance de l’image, qu’il remarque, « inscrit » en lui les lieux du film. Une façon de renouer aussi avec l’image de cinéma des origines, créée pour rendre visible l’invisible, comme un remède au temps ou à l’espace qui nous échappent. Filmer serait alors une façon de résister à la « monstruosité » d’un réel incontrôlable, en inventant de nouveaux liens entre les hommes, les espaces et les temps, de nouvelles zones de contact et de respiration qui laissent affleurer l’imaginaire. Le Retour du monde saisit le tournage de plusieurs scènes de prison, où les femmes enfermées pendant la guerre parvenaient à communiquer autrement, à l’aide de murmures sans regards, de rythmes cognés sur les murs : une poésie du langage, un chant d’amour.

    Trouver le rythme d’un pas qui tient le corps en équilibre

    Beaucoup de fils traversent ces images. On les aperçoit souvent des trains, ils suivent le cheminement des rails et entament leur ballet de caresses, se touchent, s’éloignent, se croisent, créant des zones de circulation dans le champs d’une image, ou bien d’un plan à l’autre. L’impression qui s’en dégage est celle d’une grande fluidité, et d’envolées soudaines, comme lorsque deux métros avancent en parallèle, et que soudain l’un d’eux s’échappe vers le haut. Mouvement que poursuit parfois la caméra, même si la plupart des plans sont fixes, à la manière des vues Lumière. La fluidité vient alors des passages (véhicules, arpenteurs des villes, vols d’oiseaux), mais aussi du vent, de la pluie, du cours des fleuves (la Seine, l’Arno, le Douro), du déploiement des mers (Égée, Méditerranée), et des voix qui lisent ou murmurent journaux, nouvelles, récits, presque à flot continu. Parfois surgit un motif : l’espace d’un instant, le plan du métro s’inscrit en transparence sur les corps qui passent derrière lui. L’image se fait alors radiographique, dévoilant les êtres dans leurs réseaux intimes. Changement d’échelle et d’espèce, mais toujours demeure un principe de circulation, le même qui pousse l’écrivain Valéry Larbaud d’Une figure florentine à suivre sa course infinie, homme mobile semblable aux atomes de Lucrèce, qui sillonnera l’Europe en tous sens pendant les cinquante premières années de sa vie. Dans sa description du plan de métro mondrianesque, Cortázar ajoutait : « Cet arbre est vivant vingt heures sur vingt-quatre, une sève tourmentée le parcourt à des fins bien précises […] s’enfonçant dans un secteur de l’arbre et faisant surface en un autre, sortant des Galeries Lafayette pour déposer un paquet de serviettes ou une lampe au troisième étage de la rue Gay-Lussac. » Ce principe de circulation qui brode de surface en souterrains se retrouve dans ces films projetés à l’échelle du temps, comme autant de points d’ancrages entre différentes couches archéologiques. Dans Je vous suis par la présente, les animaux gravés à la surface du monde appartiennent à la nuit des temps ; ce temps qui affleure met au jour le geste primitif, originel de la naissance des images. Le film prolonge ce don de la présence, réinventant cavernes à illusion et dispositifs de projection. Il tisse des fils de connivence entre la préhistoire de l’homme et l’archéologie du cinéma, jusqu’à ses traces récentes qui déjà semblent appartenir à un autre temps : photographie et Super-8, fantômes argentiques et tremblants, projetés sur les écrans de draps blancs ou noirs, ou sur les murs vieillis d’un proche village. « C’est au fond l’énergie première des origines que les cinéastes voyageurs cherchent à retrouver. Non par nostalgie, mais bien pour mieux respirer, retrouver un équilibre ». Je vous suis par la présente est ainsi enrobé d’un souffle, comme si le « je » du titre était une respiration. Ce souffle fait vibrer les instruments de musique, se mouvoir les images, jouer les brumes et les fumées. Il est équilibre car principe de circulation, à l’intérieur d’un corps, et de ce corps à l’extérieur. L’équilibre naît de ce rapport aérien du dedans au dehors : c’est ce même désir de souffle et d’équilibre qui meut le devenir nuage de la femme D’autre part.

    Dans son mouvement de relance

    Les films portent en eux le souci du temps, de sa circulation ambiguë, tel l’anneau de Mœbius. D’autre part s’ouvre sur une métaphore de la naissance de l’image, des draps vierges sont prêts à être plongés dans des bains de couleur, et se clôt sur l’opacité blanche d’un nuage, récit d’une dissolution et d’une renaissance, primitive, animale, en attente que la vie la traverse. Entre ces deux écrans blancs, un parcours, une ascension vertigineuse, et un changement d’état, un retournement. Le Retour du monde mêle quant à lui les fils du temps du tournage à ceux de la fiction. De 1936 à 2003 la voix qui les accompagne reste identique. Un long plan fixe montre un groupe d’hommes arrêtés, mains en l’air, l’un deux est désigné : qui le pointe alors, la caméra, un fusil ? Appartient-il au temps de la fiction, au temps du document ? est-il à l’entre deux ? Le temps du Retour du monde ondule, s’anamorphose, semblable aux photographies en noir et blanc qui le parcourent.

    D’autre part

    Entre D’autre part et Je vous suis par la présente, quatre années se sont écoulées ; le temps d’un cycle d’écriture, qui s’entrelace aux films. C’est ici affaire d’équilibre, d’un pied sur l’autre : écrire et filmer marchent ensemble, d’un pas continu. L’un ne va pas sans l’autre, et les figures doubles s’y retrouvent, prises en abyme. En 1995 Jean Breschand écrit un texte très émouvant sur les frères Lumière : il y décrit deux photographies qui les représentent, la première s’inscrivant dans le temps de l’enfance – les deux frères se font face, devant un échiquier, Auguste est songeur, Louis le regarde –, la seconde, prise un demi-siècle plus tard, les replaçant toujours face à face, une table entre eux. Dispositif en miroir, cette fois-ci c’est Auguste aux cheveux blancs qui regarde son frère, et Louis qui se concentre. Le récit de leurs inventions – « une idée fixe qui les anime […] vouloir reproduire le réel, le doubler d’une image » – se conclue ainsi : « Mais peut-être que toute cette histoire, jusque dans son équilibre et sa transparence affichés, vient de ce qu’ils étaient deux, enracinés dans une figure jumelle aux prises avec la fusion et la séparation ». Or cette figure du double, et ce principe de fusion-séparation qu’un cinéaste décrit se retrouvent mis en lumière dans ses films : Je vous suis par la présente n’est-il pas l’aveu d’un geste amoureux entre la parole et l’image, passant par un souffle du dedans au dehors, une respiration ? Dans l’exemple des frères Lumière le double est dit « libérateur », les deux frères étant passés par l’invention d’un dispositif de dédoublement : la projection. C’est précisément le dispositif de projection que traverse d’un souffle Je vous suis par la présente.

    Refaire notre vie sous un nom d’emprunt

    « C’est la première fois que j’ai un double » dit Valéry Larbaud qui, déçu peut-être d’apprendre l’existence d’un homonyme, décide de se créer lui-même un second double, A. O. Barnabooth. Ce jeune milliardaire en quête d’amour à Florence écrit sans relâche son journal, « un journal dans lequel Larbaud s’est projeté », car le double est une projection de soi sur un autre, le refuge de l’imaginaire. Dans Une figure florentine, c’est presque toujours une voix féminine qui lit le journal de Barnabooth, comme si cette parole voyageuse d’un corps à l’autre participait du processus d’évasion. C’est aussi une femme qui lit la grande lettre de voyage de D’autre part, décrivant son cheminement jusqu’à son devenir nuage à Gibraltar, alors que chaque lieu traversé, chaque phrase écrite et chaque souvenir vécu l’ont été avant tout par le cinéaste. Parfois, cette femme semble vouloir s’incarner à l’image, elle apparaît assise à la rambarde d’un balcon, point d’ancrage entre un réel ouvert et une fiction qui surgirait de sous-terre. « Nos vies sont des fictions prises dans la pâte du réel. » Cette forme ouverte est nécessaire. C’est elle qui permet de clore la nouvelle de Cortázar sur une infinité de possibles, elle qui ménage dans chacun de ces films de petites aires de fiction, comme on dirait de jeu, elle qui participe, dans D’autre part, à la dissolution d’un corps au cours de son ascension vertigineuse, du cœur de la ville de Gibraltar au sommet du rocher qui la surplombe, retour à l’éther des origines et au souffle premier, où tout redevient possible.

    by Stéfani de Loppinot

    What are the common points connecting the Parisian metro’s meanderings (Métropolitaines, 1995), A. O. Barnabooth’s Florence diary (Une figure florentine – sur la trace de Valéry Larbaud/ A Figure in Florence, 1996), a woman’s trip to the Easternmost tip of Europe (D’autre part/ Besides, 1997), animals drawn on the rocks of a Paleolithic site in the Upper Douro Valley (Je vous suis par la présente/ I am Hereby Following You, 2001), and the shooting of Angelopoulos’s latest film, which opens with a history of twentieth-century Greece (Le Retour du monde/ The Return of the World, 2003)? It’s the line, the trajectory, the paths taken by these five films: fictitious, abstract, ephemeral itineraries sometimes carved in stone for twenty-five thousand years, the inscription on space and time of a body, a desire, a pen.

    Walking the World Up and Down

    In Métropolitaines, four narrative threads connect, giving shape to a storyline that will run along the whole soundtrack. Lucrece’s De rerum natura opens Breschand’s first feature; read with passion, it reenacts the creation of the world on the circuit of a peripheral unit, where particles of matter wriggle in all directions, dust particles gather in a molecular cluster, and gas turns into a solid. The world owes its ability to be rethought at any time to its system of correspondences, the very nature of things. Later in the movie, recalling Julio Cortázar’s “Manuscrit trouvé dans une poche,” (“Manuscript found in a pocket”) in which a metro map is described as holding tight “in its Mondrian-like skeleton, in its red, yellow, blue and black branches, a large surface yet delineated by spread out tentacles…”, a man recomposes the structure of the Parisian metro; on a sheet of paper he draws the city with its two main axes, the first linking the north to the south, from Porte de Clignancourt to Porte d’Orléans, the other following the curve of the Seine. He then covers those trajectories with numerous short lines that cross each other, get further away from each other, lose each other, bite each other, weave connections between each other, and—miracle!—suddenly reveal a tree that is, in fact, a study of a tree by Mondrian, with its trunk, the open shape of its branches, and its entangled leaves. Listening to him talk and draw, one thinks that this man could just as well be a writer, his pen tracing letters with sharp or soft outlines, with or without hair-strokes, letters that would turn into sentences, a vast landscape wrinkled with streets, scribbled on a sheet of paper; or he might be a musician, letting each string of his instrument vibrate, as to get in tune with the songs of the world.

    There are many correspondences, indeed, between one space and another, one species and another, between words and faces and between images and sounds. Jean Breschand does not write or draw to prepare his films, but rather to accompany them, like a musical counterpoint. During the shooting of D’autre part, he wrote down insignificant daily events in his diary, such as buying olives, or he would draw something that appealed to him that he did not film. In the end, it’s this whole experience that builds up the movie and takes part in the soundtrack, a text written while the shots have already been edited in a mute version. Métropolitaines ends with an excerpt of Bruce Chatwin’s Songlines, which describes the Aborigine’s need to recognize their territory by walking it up and down, singing to bring it to life. This is the first step towards its recognition, that of perception through singing: “The earth must exist first as a concept and then it must be sung. Only then can one actually state its existence […] Therefore musical phrases are equivalent to geographical coordinates. Music is a databank allowing one to follow one’s path in the world.” Filming means walking a territory up and down—in that sense, to film is to sing; it is the moment of an experience, the momentum of traveling.

    And Yet this Desire to Touch

    The contact zone between oneself and the world is both immense and tiny. What keeps us separated from the world? A thin layer of skin, similar to the one that allows the insect to slide on the water’s surface? Which gestures open the body? Is it the amorous stroke, “all that makes us human, the feel of your skin” (Une figure florentine)? The image carved in a stone, “mute as ever,” depicting the aurochs, horses, ibexes and fish of Foz Côa, “between you and me, the trace of a passage, the puzzling nature of a gesture as it is being born” (Je vous suis par la présente)? What is kept alive by the image, between you and me; per Cortázar’s story, reconnecting with the world requires the mediation of an image, the doubling of a reflection, allowing one to spot the invisible threads that link people together, circulating from one individual to another, just as they circulate from one shot to another. Théo Angelopoulos relates that it is only when the shooting begins—that is, when the image is born—that he notices and “inscribes” within himself his film’s locations. It’s a way to reconnect with the original cinematic image, created to make the invisible visible, as a remedy to prevent the escape of time and space. Filming thus appears as a way to resist the “monstrosity” of an untamable reality, working out new bonds between human beings, space and time, new spaces for contact and for breathing that let fantasy well up to surface. Le Retour du monde features several scenes shot in prison, where women locked up during the war managed to communicate through whispers unaccompanied by gazes, rhythms struck upon walls—a poetic language, a love song.

    Finding a Pace that Keeps the Body Balanced

    Many threads traverse these images. One often catches a glimpse of them onboard trains; they follow the railroad tracks and lay out their ballet of caresses; they touch, they move away from each other, cross each other, creating areas that circulate within the frame of an image or from one shot to another. This dance is pervaded with great fluidity, and spiced up by sudden outbursts, as when two subways running parallel to one another abruptly part, one branching off to escape aboveground. Sometimes the camera follows this movement, though there are mostly static shots reminiscent of Lumière compositions. The fluidity emanates from passers-by (vehicles, street walkers, bird flights), but also from the wind, the rain, the race of rivers (the Seine, the Arno, the Douro), the unfurling of the seas (Aegean, Mediterranean), from voices reading aloud or whispering press articles, short stories, narratives, in a nearly continuous flow. Sometimes a pattern emerges: for a blink of an eye, the subway map is rear-projected onto the bodies walking behind it. The image takes on a radiographic quality, displaying beings within their intimate networks.

    Scale and species shift, but there remains a principle of circulation, the one that spurs writer Valéry Larbaud in Une figure Florentine to keep running his endless race. A mobile man, similar to Lucrece’s atoms, he has walked the whole of Europe up and down during the first fifty years of his life. To his depiction of the Mondrian-like metro maps, Cortázar added: “This tree is alive twenty hours out of twenty four, a tempestuous sap runs through it, seething with very fine purposes […] diving into a part of the tree and surfacing out of another, emerging from posh Department store Galeries Lafayette to drop a pack of napkins or a lamp at the third story of the Gay-Lussac street.” This circulation principle, spreading from aboveground to underground places, can be found again in those movies projected upon the scale of time, like as many anchor points linking different archeological layers.

    In Je vous suis par la présente, the animals carved into the surface of the world date back to time immemorial; the mists of time welling up to the surface bring back to the fore the primal and original gesture of the birth of the images. The film prolongs this gift of presence, reinventing illusory caves and projection devices. It weaves threads of connivance between human prehistory and cinematic archeology, up until the recent remnants, which already seem to belong to another era: photographs and Super-8 cameras, flickering silver ghosts projected on black or white sheets, or on the decaying walls of a nearby village. “After all, what traveling film makers are endeavoring to find again is the primal energy from the origins. Not out of nostalgia, but rather to breathe more easily, to regain equilibrium.” Thus, Je vous suis par la présente is wrapped up in a breath, as if the “I” in the title were an exhalation. This breath sets music instruments into vibration and images into motion, while turning mists and smokes into playful elements. It’s balance because it is the circulation principle within a body, and between this body in the outside world. Balance is born out this aerial rapport between the inside and the outside; it’s this very craving for breath and balance that spurs the woman in D’autre part’s transformation into clouds.

    In its Motion Towards a Revival

    Films bear within them the restlessness of time, of its ambiguous circulation, reminiscent of the Mobius ring. D’autre part begins with a metaphor for the birth of the image—blank sheets (linen) are about to be soaked into color baths—and ends with the white opacity of a cloud; it’s a story of dissolution and rebirth, primal, animalistic, waiting for life to run through it. Between those two white screens, a path, a breathtakingly high ascension, a drastic shift of mindset, a reversal. Le Retour du monde intertwines the threads of the shooting time and those of its fiction. From 1936 to 2003, the voice accompanying them remains the same. A long static shot shows a group of men, their hands raised in the air. As one of them is pointed at, one wonders: Who’s aiming at him? Is it the camera? A rifle? Does he belong to fiction time, or to documentary time? Is he standing in-between? Time in Le Retour du monde is undulating, undergoing anamorphoses, similar to the black and white photographs which pervade it.

    Besides

    Four years have passed between D’autre part and Je vous suis par la présente; it’s the duration of a writing cycle which has intertwined with the films. It is but a matter of balance: writing and filming walk hand in hand in an uninterrupted pace. One cannot go without the other, and double figures meet in a mise en abyme. In 1995, Jean Breschand wrote a deeply moving essay about the Lumière brothers. He describes two photographs of them; the first was taken in childhood—the two brothers face each other, seated before a chess board; Auguste looks engrossed in his thoughts, Louis is watching him. The second, taken half a century later, resets them face-to-face with a table between them. In a mirror-like effect, this time a white-haired Auguste watches his brother, Louis, as he is concentrating. The account of their inventions—“an obsession spurs them […] the desire to reproduce reality, to double it with an image”—ends like this: “ But maybe this whole story, up to its obvious balance and transparency, lies in them being two, rooted in the twin figures wrestling with the notions of fusion and separation.” This figure of the double, and the fusion-separation principle described by the filmmaker, is highlighted in his works: what is Je vous suis par la présente if not the confession of a gesture of love between speech and image, expressed through an exhalation from inside towards the outside, a breath of air? In the Lumière brothers’ invention, the double is said to be “emancipative,” the two brothers having managed to work out a device that allowed them to split things in two, projection. It is precisely the device of projection that runs through the breath of Je vous suis par la présente.

    Starting All Over Again with a Fake Identity

    “It’s the first time I’ve had a double,” Valéry Larbaud says and, probably disappointed to learn about the existence of a namesake, decides to create a second double for himself, A. O. Barnabooth. This young billionaire, searching for love in Florence, thoroughly fills up his diary, “a diary in which Larbaud projected himself.” Indeed, a double is a projection of oneself onto the other, a shelter provided by fantasy. In Une figure florentine, Barnabooth’s diary is mostly read aloud by a feminine voice, as if this speech, traveling from a body to another, participated in the process of taking flight. The long travel letter in D’autre part is also read by a woman, relating the path that led her to turning into a cloud in Gibraltar, while each place gone through, each sentence written, and each memory is drawn from the film maker’s experience. Sometimes this woman seems to wish to become flesh and bone onscreen; she appears leaning on the rail of balcony, anchor point between an open reality and a fiction that springs up from under the earth. “Our lives are fictions caught up in reality’s dough.” You cannot do without this open form. It helps Cortázar’s short story to end with infinite hopes, and it brings about in each of these movies a small area for fiction, a kind of playground, takes part in D’autre part in the dissolution of the body followed by its breathtakingly high ascension from the heart of Gibraltar to the top of the overhanging rock, back to the original ether, and the primal breath where everything becomes possible again.

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