Le Ministère de l’intérieur

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    à propos de La Vie ailleurs, de David Teboul [2008]

    par François Prodromidès

    1. Il nous arrive parfois, quand nous sommes invités chez des inconnus, de nous égarer dans des couloirs, d’ouvrir des portes, d’entrer dans des chambres pendant que les hôtes sont au salon. Pour accompagner notre exploration, nous nous racontons des histoires sur ces lieux, et parfois nous nous y racontons secrètement notre propre histoire. Ces moments furtifs sont de ceux qui lient les lieux aux fictions intimes. Quand nous revenons au salon, pleins de cette brève errance, nous observons les murs, les meubles, les mains sur la table, nous observons nos hôtes avec plus d’attention, et la pensée d’un ailleurs nous habite. C’est un mouvement semblable que décrit La Vie ailleurs.

    2. Il est en effet des films qui vous emmènent loin, et d’autres ailleurs. Des films qui s’emploient à produire l’émotion, et d’autres à faire advenir le sentiment. Quelque chose qui n’est dans aucune des parties du film, mais que fabrique le film, son style. Ceux-ci sont bienfaisants, ils déplacent le regard, le soulagent de ses scories comme on efface la buée d’une vitre, vous rendent au sentiment que l’individu contemporain n’est pas condamné à rester « un homme sans autre ». David Teboul se fait le passeur de film en film d’un exercice intime, habité, du regard. Chacun de ses films prend appui sur un défi, se confronte à un objet fort ou secret. Pour le soustraire aux sirènes de la subjectivité et du pittoresque, il le transfigure par un geste sûr d’abstraction.

    3. Teboul sait qu’un regard personnel ne se gagne que par effraction, par la profanation de quelque intimité où se niche et se déploie celui qui n’a rien à faire ici. D’où ce goût pour les lieux et les intérieurs. La « maison » d’Yves Saint-Laurent au 5, avenue Marceau, cette adresse en plein cœur de Paris, les liens organiques qui la tissent de l’intérieur comme les coutures le gant où l’on passe la main, l’intimité qui y règne avant l’exposition spectaculaire des défilés ; les bains de Bania, à l’intérieur desquels on respire comme dans le ventre secret, anonyme, d’une Sainte Russie laissée hors champ – toute cette mélancolie des grands empires qu’expriment à travers les vapeurs les stigmates des corps nus, l’eau et la rouille. Avec les banlieues françaises de La Vie ailleurs, l’unité du huis clos semble se morceler, mais la périphérie est encore un territoire intériorisé composée d’une multitude de huis clos dont il faut mettre au jour, précisément, ce qui fait l’unité fragile. Vivre en périphérie, serait-ce s’attacher d’autant plus à son lieu propre qu’on s’y sent laissé aux bords ? Le cinéaste quitte alors la seule observation attentive des rites intérieurs et de leurs condensations, il mélange les genres, fait un pas de côté vers les fictions, les fuites, les bords.

    4. Ni « robe sans couture du réel », ni portemanteau des vues de son auteur, La Vie ailleurs n’est pas faite d’une seule pièce. Il y a des raccords, des médiations : une voix narratrice, des entretiens « documentaires », une voix non identifiée, les images d’un homme endormi. Mais tout cela, y compris la part documentaire, est à comprendre comme le texte du film. S’il fait siennes ces frontières mobiles entre « réel » et « fiction », geste plastique et cinéma, vers lesquels se rassemblent bon nombre de cinéastes contemporains, c’est à la manière d’une forme résolument moderne dans laquelle se projette et survit une croyance tenace en ces idoles barbares, mais réparatrices, que sont la figuration et la beauté.

    5. Une méditation sur le corps du bel endormi ouvre le film et reviendra comme une vague. On regarde un personnage en observer un autre : ce jeu de miroir rappelle le dispositif, bien réel, qui organise le 5, avenue Marceau : le salon de présentation des modèles est tendu d’un large miroir devant lequel le grand couturier mélancolique se trouve comme témoin de ses propres créations – l’œil du spectateur en est dérouté. La voix sœur de La Vie ailleurs seconde l’observateur invisible, c’est un tiers qui décrit l’image reflétée dans son œil et raconte son histoire, ici, au présent. Souvenirs d’une enfance en banlieue, de parents qui ont connu l’exil d’Algérie, des premières ramifications du sentiment : probablement un masque dont l’empreinte est prise sur l’auteur, avec ses vérités et ses mystifications. Une approche, une approximation. Monter, écrire, dire : c’est tout un et c’est un seul timbre, celui d’Anne Baudry, cette voix aux yeux grands ouverts qui parle derrière nous, du fond de la scène, dans un angle, la trame entre les mains. Les phrases avancent comme passe le fil, s’entrelacent dans les entretiens et habitent les images d’appartements désertés – un récit fait maison. Quand elle se retire et nous laisse seuls avec quelques êtres, nous les écoutons d’autant mieux. Un espace vide est ménagé pour le spectateur : à lui de prendre part à la dimension supplémentaire qu’agence ce montage, et de se raconter l’histoire qui l’habitera.

    Un dormeur du Val est là, tout près. Vulnérable, absent à lui-même, c’est le foyer des rêveries, des absences et du désir ; il impose sa respiration sans image, il ne répond pas – sa beauté mutique nous effraie presque, elle suscite parfois deux pensées : l’amour, le crime. Dans ce temps trouble qui passe juste avant d’ouvrir les yeux, la pensée remédie au manque, d’autres voix, d’autres visages, des vies ailleurs surgissent du fond de ce regard et de cette heure intime, se groupent autour du corps – peut-être comme des souvenirs, peut-être comme les traits d’un croquis qui cherche la figure.

    6. La Vie ailleurs n’est pas un film « sur la banlieue », même si le film interroge la figuration et la transfiguration possible de ce lieu mis au ban. « Longtemps j’ai habité la banlieue… » : ainsi s’ouvrait en 1961 le documentaire de Maurice Pialat, L’Amour existe. Une voix commentait à la première personne, mi nostalgique, mi rageuse, les images splendides d’une périphérie urbaine à l’état naissant, sortie des décombres, en devenir, où le narrateur ne trouvait déjà plus les images du souvenir. « La banlieue grandit pour se morceler en petits terrains. La grande banlieue est la terre élue du p’tit pavillon. C’est la folie des p’titesses. Ma p’tite maison, mon p’tit jardin, mon p’tit boulot, une bonne p’tite vie bien tranquille(…). Vie pensée en termes d’assistance, de sécurité, de retraite, d’assurance. Vivants qui achètent tout au prix de détail et qui se vendent, eux, au prix de gros. On vit dans la cuisine, c’est la plus petite pièce. » Plus de 45 années se sont écoulées. La Vie ailleurs s’introduit dans ces cuisines (ces salons, ces chambres) pour mettre à nu certains fragments de ce qui persiste à faire « une vie ». Quand Pialat réalise L’Amour existe, la banlieue n’est pas encore identifiée à cette pression du réel, à ce motif hypermédiatisé qui souffre de la pétrification de sa propre représentation. Pialat montre du doigt, mais il peut encore faire valoir sa saine colère – il exècre la misère, autre façon de dire qu’il croit à l’amour. On veut aujourd’hui « expliquer » ou bien « prendre le contre-pied » : montrer qu’il y a là-bas « autre chose » (des gens entreprenants, du lien social). C’est estimable, mais c’est changer de face en gardant la même pièce en main. Vouloir se voir « représenter » tel qu’on est, qu’est-ce sinon un mal démocratique qui ne conduit qu’à la correction sans fin des blessures narcissiques. La Vie ailleurs préfère penser à autre chose : rejouer par exemple la ruse du bouclier dans lequel on n’apercevra, de Méduse, qu’un reflet, une image ténue. « Par quelques biais, vers quelques bords » (titre d’un livre récent de Jacques Dupin). A reculons, en zigzag, regardant dans le même temps s’éloigner quelque chose, doublant sa pensée de celle d’un territoire perdu ou d’une fuite rêvée. Faire disparaître du champ « la banlieue » pour la soumettre à un déplacement intérieur : la périphérie comme métaphore. Car ce qui l’asphyxie, c’est bien d’être un cliché, et non une métaphore. Une puissance de déplacement entre le réel et l’imaginaire. La soustraire à l’exaltation du théâtre urbain, c’est faire le choix d’une singulière politique de l’intime. Si les périphéries urbaines sont des jouets cassés entre les mains des planificateurs, cette politique peut s’employer à les réparer par ailleurs en s’employant à toucher aux nerfs des existences. Y’a-t-il une « vraie » vie ? Ici ? Ailleurs ? L’un des rares plans extérieurs du film, une barre d’immeuble horizontale trouée de fenêtres régulières qu’un panoramique pensif suit du doigt, invoque cicatrice et cicatrisation dans un même mouvement. D’autres questions s’éveillent alors : qu’est-ce qu’habiter ? Être habité ? Perdre, imaginer, aimer. La question de l’amour, pour Pialat comme pour Teboul, réapparaît avec une acuité accrue au cours de ce mouvement du centre vers les bords.

    7. De quel intimité s’agit-il ? Il y’a d’abord le sentiment des intérieurs, les mythes domestiques, l’attachement sensuel à un lieu, un refuge, un « chez soi ». Le papier peint, dont la répétition mécanique des motifs initie les premières mélancolies, le canevas accroché au mur, trace d’un mari défunt, le geste compulsif d’une vieille femme sur la toile cirée de la table, qui semble chasser de la main les miettes fantômes de souvenirs pénibles (une parente de la grand-mère de Jean Eustache dans Numéro zéro). L’attention portée par le cinéaste à ces êtres et à ces intérieurs modestes, s’abstenant de toute démarche descriptive et de toute anecdote, évoque celle, plus lointaine, des recueillements domestiques de Vermeer. Elle n’est pas moindre que l’idéalisation des décors enchanteurs de Minelli et Demy. L’ennui mortifère qu’évoque généralement le pavillon de banlieue et l’appartement en HLM, traversé par le temps, touche ici une zone de trouble et de nostalgie où se loge un « je ne sais quoi » qui résiste aux habillages sociaux.

    On pourrait croire un projet de photographe (« portraits de personnages dans leurs intérieurs »). Et il est une parenté profonde entre l’intérieur et la photographie qu’avait suggérée Walter Benjamin à propos du « salon bourgeois » du XIXe : chez soi, on laisse des traces, des empreintes, les intérieurs sont comme des plaques sensibles où s’impriment les habitudes de ceux qui les habitent. Photographier des intérieurs serait-il une sorte de redondance ? Il faut que le cadre découpe, même arbitrairement, recompose, sublime et transfigure. Ces décors ne prédisposent pas une composition, ni à faire spectacle de soi comme pour un magazine de « déco ». Ces royaumes appellent leurs exils, leurs désertions. Dans le salon bourgeois on ne pouvait déjà plus « effacer ses traces » : bonbonnière centripète rétive aux fugues de l’exil intérieur, identitaire, cloisonnant public et privé. Le va-et-vient de ce qui rentre et de ce qui sort y était scrupuleusement surveillé.

    Le film scrute ce qui altère, ce qui manque, ce qui troue, voire les mythes fondateurs du petit intérieur, comme les sacrifices d’une mère-courage pour l’obtention de l’appartement familial, racontés par son fils. Un jeune homme a rêvé la nuit précédente qu’il était « en cage » : la violence du dehors l’habite, elle est partout, se noue dans la cage thoracique et vient durement jusqu’à ses lèvres quand il dit ce mot : « violence ». Cage à fauves ? Cage à oiseaux ? Qu’est-ce qui distingue un nid d’une cage ?

    8. L’emboîtement des êtres et de leurs intérieurs ouvre les portes du territoire intime. Là où les gens, comme dans un geste de protéger sa flamme, se racontent des histoires, évoquent un amour perdu, un amour gagné, un territoire, un sentiment d’humiliation. Le sentiment d’altérité qui éclôt peu à peu du film fait de l’Autre autre chose qu’un témoin de ce que l’on veut dire. Il est élevé, relevé. C’est un sujet. Un homme nu est couché, plongé dans le sommeil ; le plan suivant expose deux jeunes filles debout dans leur cuisine, l’une derrière l’autre, dans un maintien presque inconfortable, comme pour une récitation ; après un silence elles parlent de leur logement, du souvenir de la « caravane perdue », avant la sédentarisation, de leur « religion » :  elles sont gitanes. La voix hors champs les interroge avec sérieux, « explique-moi, je ne comprends pas », trouvant un étonnant juste ton. La densité d’écoute initiée par la psychanalyse n’y est pas étrangère, on est également proche de ces grands interviewers, cruels parfois, qu’étaient Duras et Godard. Mais c’est autre chose, le jeu de l’interview est rendu à sa seule noblesse : elle fonctionne comme une main négative où se dessinent contours et lignes de vie. Quelqu’un en écoute et en regarde un autre : c’est aussi simple que cela, et c’est si rare. On y capte la limpidité fugace du cœur. C’est comme offrir une seconde chance, révéler un deuxième nom jusque là tenu secret.

    9. Sigfried Krakauer écrivait, à propos de la propagande nazie dont les films évitaient de montrer les actes antisémites, que l’image était « le dernier refuge de la dignité violée ». On n’habitera jamais assez ce refuge. Teboul se fait une haute idée des pouvoirs et des responsabilités de l’image, de ce qu’elle recueille, de ce qui lui échappe, il y’a chez lui une quête de la juste distance, de la valeur de plan et des vestiges de son aura. Son envers inséparable est pourtant tout proche : la frivolité (nécessaire) du kitsch, l’icône dégradée par le temps (c’était le risque encouru par l’enfant égaré dans le gynécée de son film sur Elle). Mais tout tient à la disposition des corps et des visages dans le cadre, à la manière de les exposer au regard, de leur rendre justice. C’est ce pouvoir qu’ont l’eau et les gestes partagés des bains de révéler, de ramener à la vie. Et ce n’est qu’au cœur même d’un monde profane, nu et vulnérable, qu’il est encore possible d’invoquer cette magie. C’est cette même quête qui nourrit Yves Saint-Laurent tel que Teboul le filme, comme un mythe contemporain que le temps a corrodé pour en dénuder l’irréductible style, et à qui la vieille histoire du tailleur perfectionniste racontée par Samuel Beckett irait comme un gant : « Le Client : Dieu a fait le monde en six jours, et vous, vous n’êtes pas foutu de me faire un pantalon en six mois ! Le Tailleur : Mais, Monsieur, regardez le monde, et regardez votre pantalon. »

    10. Les personnages de La Vie ailleurs sont touchés au vif, mais le regard n’est pas voyeur parce que, s’il cache qui il est, il ne cache pas qu’il regarde, et n’en tire aucune jouissance coupable. Rien du narcissisme non plus, on peut même dire que la tension du film tient à sa résistance au narcissisme. « Mon p’tit boulot, ma p’tite vie », disait Pialat. Ces êtres semblent parler d’eux-mêmes à la troisième personne, sur la scène de leur propre fiction, et parlent souvent d’un autre en eux : une mère, un mari défunt, un paradis perdu, une cage, un amour blessé, un corps trop petit. L’auteur lui-même se « met en abyme » : il est cette voix qui parle, dont on parle, à qui l’on parle, emboîtée et s’étoilant tour à tour, fragment d’un objet perdu. Cette voix qui semble ne dire rien d’autre que : « Vis, qui que tu sois ! ».

    Le film ressemble ainsi à cet enfant dont il parle, qui ne dit pas qu’il est juif jusqu’à l’âge de 12 ans, qui raconte des histoires, qui réserve son identité (cette pétrification du regard) pour mieux observer ce qui l’entoure. On devine sous la trame une école plus ancienne du regard, celle de ces enfants juifs exilés pendant la Guerre dans les campagnes françaises, où, cachés, ils découvraient les yeux grands ouverts cette France défaite, ces intérieurs, ces paysages, ces mœurs, ces histoires qui ne les regardaient pas mais qui les abritaient.

    11. Quelque chose résiste. A se dire, mais plus encore à montrer d’où ça vient, d’où l’on regarde. Perdu dans les plis, les reflets, les périphéries, un point aveugle, un centre vaquant s’esquive. Est-ce l’œil de l’animal tapi dans l’ombre, son battement furtif, qui observe ce qui fait une vie humaine ? Le point de vue du terrier, de la cage, du piège, où la vie nue respire sa propre odeur, piétine dans ses souillures et se fatigue d’être soi ? L’oreille à l’affût tendue vers les éclats d’autres vies, d’autres refuges ? Une image apparaît pourtant au milieu de La Vie ailleurs, que le film semblait tenir en réserve. Les coutures craquent et, directe et impudique, elle se montre maintenant à cœur ouvert : le corps endormi fait face entièrement, il baigne dans l’obscurité, proche et reculé. En son centre le sexe de l’homme. Ce qu’il est convenu d’appeler « un nu », moins offert à la contemplation qu’inscrit dans l’inquiétude du film. Une autre « Origine du monde », née d’un « ici », d’une image non manquante qui touche l’œil à sa taie. (Bania connaît aussi en son cœur l’irruption d’une idéalisation.) Les entretiens sont alors inscrits dans une sorte de transcendance de la chair. Un corps hantait bien le film, sa sensualité enveloppait les personnages. La toute-puissance fantastique d’un corps au repos, un animal édénique peut-être, advient en un endroit, un instant – au point de sa crucifixion intérieure. Aux autres personnages sont dévolus les soins de l’incarnation, ils partagent leur nudité, quand le corps a valeur d’aura érotique. On peut dès lors voir se dessiner une étoile, dont le centre serait ce corps exposé, et les branches des périphéries qui nous emmènent jusqu’à leur bord extrême, à la pointe de l’intime.

    12. L’ouverture de la Passion selon Saint-Jean se fait entendre ailleurs, de façon presque déplacée. Cette mer en expansion, cet accroissement du souffle qu’elle communique, outre qu’elle nous affranchit définitivement de toute « couleur locale » en matière musicale, ne peut que placer le film sous le signe de la résurrection. Un motif religieux court dans les films de David Teboul, un sens du rite, du culte, de la séparation et de la piété ordinaire ; de quelle religion il s’agit, c’est une autre histoire. Il y va sûrement d’une unité perdue, d’un être « morcelé en petits terrains ».

    Qu’un manège ramasse les morceaux, déploie ses nacelles et les lance à la ronde, nous voilà maintenant plus légers et vivants. La vie reprend dans la maison aux volets clos. Le dernier plan du film regarde la paupière trembler, se lever, l’œil s’ouvrir. A-t-on réveillé un mort ? Y’avait-il de l’incantation dans cette voix qu’on entendait ? Il semble qu’une foi soit redonnée, par l’entremise de l’autre et de la beauté, mais c’est une foi indirecte, suspendue à son réveil. C’est ce que semble mettre en relief l’étrange conditionnel qui clôt le film, par la porte étroite de l’espérance : « Croire aux fictions qu’il s’inventerait, s’abandonner à la consolation fugace qu’elles prodigueraient serait la façon dont il habiterait sa vie. Il regarde le visage de ce jeune homme. Il se dit qu’il est beau et que cette beauté lui donne aussi envie de croire à l’amour. » La fiction n’est-elle pas ce réel qu’on peut croire ?

    13. On ne rachète pas la misère par la beauté, ni le monde par un pantalon, on ne sublime pas la laideur et l’ennui par les sorcelleries de l’art, sans risque, sans une pensée du style, sans une certaine altération de soi, sans amour – un amour qui se sait séparé de son propre narcissisme. Teboul, en artiste, a traversé ces questions qui survivent à chaque génération. Il les a résolu pour lui. D’autres s’ouvrent par ailleurs.

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